Les cimetières du Bar-sur-Loup
Dans les cimetières, ce qu’on met en terre, ce sont des sourires de toutes les couleurs. Christian Bodin
Le premier cimetière de notre village se trouve sous les dalles de l’église Saint Jacques le Majeur. On enterrait partout où il y avait de la place : dans la nef ou devant les chapelles des confréries. Mais d’être ensevelis au plus près du chœur était source de grandes grâces. Les places étant rares, les personnes de notoriété était privilégiées (tombes des confréries, des notaires Barilier et Pons, des prêtres, tombeau des Comtes de Grasse).
Un cimetière fut donc accolé à l’église, dont on trouve mention dès 1635. Il était relié à l’église par un escalier et une porte encore existante. Peu entretenu, il est envahi par les ronces et herbes folles, les murs tombent et les animaux y divaguent. Il fut détruit accidentellement en 1774 par l’éboulement d’un rocher qui le soutenait, et qui entraina la destruction d’une partie des remparts et des maisons qui étaient au pied de ceux-ci. Les ossements, de ce fait, furent répandus dans les rues puis rassemblés et enterrés entre l’église et le château. On les retrouva en 1884 lors de travaux.
Deux ans après cette destruction, en 1776, une ordonnance royale interdit d’inhumer dans les églises, avec de possibles exceptions pour quelques privilégiés (évêques, curés, patrons, hauts justiciers et fondateurs de chapelles) et prescrit que les cimetières soient placés en dehors de l’enceinte des villes pour des questions de salubrité publique. Pour anecdote, rappelons une supplication des habitants du village à leur évêque en 1729 : « que l’on ait soin de bien fermer les tombeaux quand on y enterre quelque mort à cause des mauvaises odeurs qui en sortent et qui ne permettent pas aux gens qui sont dans l’église d’y rester comme il est arrivé le 14, 15, 16 septembre de la présente année auquelle fut fait l’installation de la jeunesse à la sacristie à cause des mauvaises odeurs ». Des querelles commencent : le Comte de Grasse ne supporte plus les odeurs émanant du cimetière et met en avant le fait que les enterrements ont parfois lieu au moment où l’on danse sur la place, que les enfants qui jouent à la paume les lancent dans le cimetière et se battent avec les ossements de leurs pères.
La communauté du Bar, de son côté, souhaite agrandir le cimetière existant par mesure d’économie plutôt que le déplacer. Finalement, un arrêt de la cour du 30 juin 1779 met fin aux débats car il oblige la communauté du Bar à changer l’emplacement de son cimetière. Il est décidé d’acheter la propriété de Jacques Euzière, rue du Ribas, hors les remparts, pour un prix de 2000 livres. On aménage deux planches avec un mur au milieu en pierres sèches, on bâtît des murs de tous côtés, porte à droite, on dresse une croix en chêne avec son piédestal. Le cimetière est terminé en 1780 et béni par le curé Henri Henry.
Manque de places et surtout salubrité publique, en 1901, le cimetière change encore de place pour s’établir à son emplacement actuel, quartier St Claude, à la sortie du village. Les premières tractations pour déménager avaient commencé en 1806, il a fallu presqu’un siècle pour mettre le projet à exécution. On mettra 5 ans pour enlever les anciennes pierres tombales mais peu semblent avoir été réinstallées à St Claude. Certaines même servirent de remblais (escalier au chevet de l’église). En 1920, la municipalité projette d’aménager un terrain de boules à l’emplacement du cimetière rue du Ribas, avec plantations d’arbres d’ornements. C’est aujourd’hui un terrain en friches.
Jadis existait aussi un cimetière autour de Notre Dame de Colonia qui rappelons-le, est mentionnée comme église dans les chartes du XIIe siècle. Mais peu de documents ; en 1757, il n’existe plus mais on trouve des ossements régulièrement autour de la chapelle.
Un autel funéraire gallo-romain a été réutilisé dans la construction du clocher de l’église au XIXème siècle. On dit qu’il aurait été trouvé jadis dans la cour du château. Comme nul reste romain n’a été trouvé dans le village, que les cimetières romains étaient toujours le long des routes mais hors habitation, il est probable que ce soit une récupération. On ne peut affirmer qu’il y ait un cimetière romain au village.
Armelle de Feraudy